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PORTRAIT D'ALUMNI : ASTRID WEILL, ISG 94, DIRECTEUR DU DEVELOPPEMENT ET DES GRANDS PROJETS, GROUPAMA IMMOBILIER
Florence Delsaux : Bonjour Astrid, peux-tu nous parler de ta carrière après l'ISG ?
Astrid Weill : Bonjour Florence, j'ai fait mon stage de fin d'études chez PricewaterhouseCoopers en audit et expertise middle-market. Je suis restée 8 ans et demi, j'étais alors manager. Recrutée par un de mes clients, filiale de promotion immobilière du groupe ING comme directeur financier en 2001, j'ai intégré j'ai évolué de la direction financière vers une direction générale finances et j'ai été assez rapidement en charge d'opérations immobilières dans le montage des opérations de promotion dans leur financement et dans la vente des immeubles. Cela m'a permis de prendre le goût de sujets opérationnels en immobilier. Et quand on tombe dans la marmite, on n'en ressort pas ! rires -).
L'immobilier est devenu le fil conducteur de ma carrière à partir de ce moment-là. En 2008, il y a eu une crise immobilière et la stratégie du groupe ING a été d'opérer un repli, cela ma donné l'occasion de regarder d'autres opportunités. J'ai été chassée et j'ai répondu à l'appel des sirènes début 2010 en intégrant BNP Paribas Real Estate Property Management France en tant que Directeur Général Délégué. Ceci pendant 4 ans, c'était un gros challenge puisque c'était un poste de management avec un niveau hiérarchique assez élevé, une structure d'environ 300 personnes, et j'avais 37 ans. Une activité pleine de challenges parce que le Property Management n'est pas très bien rémunérée dans la chaîne de valeur immobilière. Et donc pour trouver une rentabilité dans ce métier il faut optimiser les process, les ressources tout en gérant les risques et en ayant un pilotage adapté des activités. C'est ce qu'on a fait pendant 4 ans, mais j'ai assez vite compris que je ferais surtout des RH et de l'informatique. J'ai été heureuse de pouvoir avoir cette expérience de la grosse machine et de la grosse maison à un poste au management, mais l'immobilier me manquait !
Et donc nous voilà au poste que j'occupe aujourd'hui. J'ai rejoint le Groupama Immobilier il y a 8 ans jour pour jour d'ailleurs, c'était le 3 mars 2014, en tant que directeur du développement et des grands projets. C'est un poste purement opérationnel où je suis en charge de la maîtrise d'ouvrage des travaux, et des projets de restructuration du patrimoine immobilier de Groupama, leviers de création de valeur. Les fonds sont issus de la collecte en assurance-vie principalement pour les clients du groupe. Elle représente chez nous pas loin de 4 milliards d'euros de portefeuille. Nous avons des immeubles qui sont majoritairement parisiens en bureaux, commerces et logements. On travaille à la diversification des portefeuilles depuis 8 ans, moi je m'occupe de la transformation, de la création de valeur, de faire des projets de restructuration d'immeubles qui vont d'un plateau de bureaux ou un appartement jusqu'à la construction du futur siège de Total Énergie à la Défense, qui est une tour qui fera 130000 m², et qui sera livrée en 2025.
Donc, ce sont des projets qui sont extrêmement diversifiés, dans une complexité financière et technique qui est passionnante. Voilà c'est ce que je fais avec mon équipe depuis 8 ans et je suis membre du comité exécutif de Groupama immobilier. C'est une structure ou il y a à peu près 130 personnes.
FD : Qu'est ce qui te plaît le plus dans tes fonctions ? Finalement, puisque tu es passée par divers aspects, Est ce que c'est la finance, est ce que c'est le management ? C'est juste le goût du défi ?
AW : Ce n'est que le goût du challenge. Moi ce que j'aime, c'est quand c'est compliqué. Donc oui clairement c'est le goût du défi. Il y a à peu près 16 personnes dans mon équipe, ce sont des gens qui sont des ingénieurs de Centrale, Polytechnique, des Ponts et Chaussées des architectes ou des spécialistes du développement durable. Je ne suis pas meilleure qu'eux, je n'ai pas leurs compétences. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment les démêler de situations de conflit ou encore de situation de complexité, qu'elles soient techniques juridiques ou financières.
Ensuite, le management : affecter des tâches et des process dans une équipe, c'est quelque chose que j'ai beaucoup fait notamment chez BNP, en travaillant sur l'amélioration de l'organisation, sur les ressources. J'ai longtemps pensé que changer trop souvent l'organisation dans les entreprises n'était qu’une façon d'exister pour ses dirigeants et que c'était souvent la marque d’égos surdimensionnés. Mais je me trompais. Parce que quand on change l'organisation, ce n’est pas une histoire d'ego. Si on ne met pas l'entreprise en mouvement, on perd la dynamique. Je trouve que de ce point de vue-là, le COVID et le télétravail, qui fait définitivement partie de notre vocabulaire, peut devenir une zone de risque. Alors oui, c'est bien, c'est plus confortable, ça permet de faire des choses à la maison de façon posée et certainement avec une production très qualitative, mais on perd une externalité qui est celle de l'entreprise en mouvement, celle de de la valeur du collectif, qui est très difficile à mesurer quand on n'a pas quitté son salon -)
On décide en discutant, en échangeant, en voyant ce que font les autres en regardant ce que l'on ne devrait pas regarder et je trouve que si on a pas de possibilité de se confronter au collectif, si l'on n’essaie pas de confronter les points de vue, on perd en créativité et cela dessert l'entreprise. Je crois donc que mettre l'entreprise en mouvement crée de la valeur.
Le mouvement c'est changer l'organisation, c'est générer des échanges même sur des sujets qui ne concernent pas directement les hommes et les femmes qui y participent. Et je crois que cela prouve qu'il faut travailler l'employabilité de ses collaborateurs même si le danger, c'est qu'il s'en aillent.
FD : Quels sont les enjeux dans ton secteur et les enjeux présents et à venir ?
AW : Tu m'aurais posé cette question il y a 15 jours ma réponse auraient été différente mais avec le contexte actuel clairement, aujourd'hui, le conflit en Ukraine crée une incertitude sur les marchés qui pourrait entrainer un gel violent des investissements en immobilier. Je le crois parce que personne n'a de visibilité sur le contexte des mois à venir. Et il serait, je pense, dangereux de continuer comme si de rien n'était. Ça va être assez compliqué pour notre industrie, mais pour toutes les autres également. Et je ne peux pas répondre autre chose que ça aujourd'hui parce que finalement cette capacité à nous adapter à ce contexte-là, cela demande beaucoup d'agilité dans l'organisation des entreprises. Cela n'est facile à mettre en œuvre. Il faut qu'on arrive à trouver des solutions d'attente. C'est ce que le contexte actuel m'inspire.
Mais il y a d'autres enjeux importants dans l'industrie immobilière, qui sont ceux de l'adaptation de nos immeubles à la transition énergétique, et ce désormais inévitable télétravail qui induit une adaptation des bureaux aux nouveaux besoins. Mais ce ne sont pas forcément moins de m² que les dirigeants recherchent pour leurs salariés, mais de meilleurs m², dans des bureaux mieux localisés et plus agiles. Un nouveau challenge qui est celui qui nous anime déjà depuis longtemps chez Groupama Immobilier.
FD : Aujourd'hui, si tu avais une opportunité pour retourner dans la finance, quelle serait ta réponse ?
AW : Non ! Je me suis posé la question. Je me suis dit à quoi je ne peux pas renoncer ? C'est clair, je ne voudrais plus renoncer à l'immobilier. De toutes façons je ne saurais plus rien faire d'autre !
FD : Est ce qu'il y a dans ton métier, parce que l'immobilier a toujours été traditionnellement un secteur plutôt masculin, un sujet sur la parité ? Est-ce que chez Groupama c'est comme ça ?
AW : Alors chez Groupama Immobilier, quand je suis arrivée , il y avait 75% de femmes, donc notre objectif c'était plutôt de recruter des hommes ! Et on a un tout petit peu rééquilibré, mais on n'y est pas complètement. Toujours plus de femmes que d'hommes, mais au COMEX, c'est 50/ 50. En revanche dans l'immobilier il y a un sujet. Deux structures sont actives pour la parité dans l'immobilier. Une association qui s'appelle 17% Real Estate Women Networking. 17% pourquoi ? Parce qu'il y a 17% de femmes au salon immobilier du Mipim à Cannes, c'est vraiment pas beaucoup.....L'objectif est de créer des moments de convivialité, de partage et d'échange, permettant aux participantes d'entretenir un réseau intergénérationnel.
Il y a surtout le Cercle des femmes de l'immobilier qui est un collectif très actif qui existe depuis 25 ans. Un Livre blanc de la parité a été publié à l'automne dernier. Ce Livre blanc s’accompagne d’une charte qui a été signée par 120 entreprises du secteur immobilier lors du salon Simi qui s'est tenu Porte Maillot début décembre dernier. Donc c'est un succès massif qui engage la profession.
Ce qui est sûr, c'est que l'ensemble de l'industrie et des patrons de l'immobilier s'accordent maintenant pour dire que les femmes apportent des valeurs complémentaires de celles des hommes dans les entreprises et dans les idées que l'on peut avoir dans nos métiers. Et puis au début je me disais, zut, je suis en robe c'est pas l’idéal avec mes bottes de chantier alors que maintenant je me dis chouette, je suis en robe, je vais sur un chantier avec mes bottes et mon casque c'est quand même super sexy (rires) !
FD : Que retiens-tu comme souvenir de l'ISG ?
AW : En fait, moi j'aime les gens. Je suis un animal social, je trouve mon énergie dans les autres. Il y a des personnes qui au contraire ont besoin d'être seuls pour se ressourcer. Il n'y en a pas un qui est mieux que l'autre. Les deux sont bien. Le fait de trouver son énergie dans le collectif, c'était formidable pour moi à l'ISG parce que on était 1000 par promo. Je connaissais presque tout le monde. Je trouvais qu'il y avait une chaîne de personnes qui créaient une énergie formidable. Et donc on avait la pêche, on avait envie de faire plein de choses. On avait plein d'idées. On a eu une vie absolument formidable pendant 4 ans. Et en 3e année, j'avais qu'une seule hâte, c'était d'aller en cours le week-end parce que je revoyais mes copains même si c'était un peu fatiguant. Voilà c’est ce que je retiens avec des moments forts, les campagnes BDE, la cafet, les soirées, les projets associatifs, le ski-club, tout ce qu'on peut faire tous ensemble. Cette énergie collective nous galvanisait. En fait, il y a une question que je me pose, parce que mes enfants sont maintenant en âge de faire des études, je me demande souvent ce que j'ai appris pendant mes études. J'ai appris vraiment une transition de l'âge de l'enfance vers l'âge adulte, en fait c'est ça. Je n'ai pas appris que les maths, le marketing, la finance, j'ai sûrement appris des choses mais je n'en ai pas la mémoire. En revanche, je le sais, que j'ai appris à être grande et à savoir saisir les opportunités, à avoir de l'ambition et de grands rêves, sans avoir peur d'aller provoquer un peu le destin pour qu'ils se réalisent.
Voilà tout ce que j'ai appris et aimé à l'ISG !
Merci Astrid !
Florence et l'équipe d'ISG
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