News

Partager sur :

Parcours de Diplômé : Anne-Sophie Pic (ISG promo 1992), chef étoilée

19 octobre 2015
Vue 1233 fois

Depuis l'obtention en 2007, d'une troisième étoile au Guide Michelin, celle qui devient alors la première chef de sa génération à obtenir trois macarons ne s'arrête plus : aujourd'hui, Anne-Sophie Pic, 46 ans, est à la tête de neuf établissements, dont trois hors de France. En 2011, elle a reçu le titre de « meilleure femme chef du monde ». Pourtant, elle ne se destinait pas à une carrière dans la cuisine mais aspirait à devenir... commerciale. Elle choisit d'intégrer le cycle international de l'ISG, s'ouvre à d'autres horizons et voyage dans le monde entier.

Que retenez-vous de vos années à l'ISG ?

Plein de choses très positives, tant sur le plan de l'apprentissage qu'humain. Tout d'abord la qualité et la diversité de l'enseignement : de nombreuses matières, une approche à la fois théorique et opérationnelle. Ensuite, la qualité des relations tissées entre le corps professoral et les étudiants et bien sûr entre les étudiants. Il y a des vraies valeurs d'échange et d'entraide dans l'école. Enfin, l'opportunité d'un cursus à l'étranger qui reste une expérience inoubliable pour ce qui me concerne et surtout très formatrice. À titre personnel, ces années à l'ISG ont également été marquées par la rencontre de mon mari, David Sinapian.

Vous avez eu la chance d'étudier au Japon. Avec le recul, cela a-t-il été une opportunité déterminante dans votre carrière ?

Je crois que cette expérience au Japon a contribué à révéler ma vocation de cuisinière. J'ai découvert une gastronomie d'un grand raffinement, des produits extraordinaires et bien évidemment un pays fascinant sur le plan culturel. Ce séjour au Japon m'a certainement transformée. Et on en trouve aujourd'hui des traces dans ma création culinaire. J'utilise quelques bases de la cuisine japonaise - comme les bouillons dashi - que je réinterprète avec les codes de la cuisine française. Sans parler des produits comme les thés verts, le saké ou encore l'immense variété de fruits et légumes.

Au-delà d'être un chef, vous êtes un entrepreneur. D'où vous vient cette fibre entrepreneuriale ?

Suite au décès de mon père, je me suis retrouvée très jeune à la tête de l'entreprise familiale. Heureusement, je n'étais pas toute seule puisque David a depuis le début été à mes côtés. D'ailleurs, pour être totalement honnête, la fibre entrepreneuriale c'est lui qui l'a ! Ce qui me permet de me consacrer pleinement à ma création culinaire. L'histoire de notre entreprise est aussi celle du couple que nous formons, nous sommes très complémentaires.

Vous avez vécu comme une libération l'acquisition d'une troisième étoile au Guide Michelin en 2007. Vous dites que cela vous a permis de ne plus vous voir comme « une femme autodidacte ». Pourquoi ?

J'ai vécu l'obtention de la troisième étoile comme un commencement et non comme un aboutissement. Je devais à mon père de reconquérir cette étoile. Une fois ce devoir de mémoire accompli, j'ai pu me libérer et laisser ma créativité pleinement s'exprimer. En outre, je ne vous cache pas qu'être femme et autodidacte dans un milieu très masculin n'a pas toujours été facile. Je ne me sentais pas légitime, je n'avais pas fait d'école de cuisine ni d'apprentissage dans de grandes maisons. J'avais pour moi mon intuition, ma capacité de travail et mon envie. J'ai énormément travaillé pour acquérir la technique sans laquelle je ne pouvais donner libre cours à ma créativité. Cette troisième étoile a été une reconnaissance par mes pairs.

restaurant_anne-sophie_pic.png

Vous avez le sentiment d'avoir dû jouer des coudes pour vous imposer dans un monde d'hommes ?

J'ai vécu ce que vivent toutes les femmes qui doivent gérer une carrière professionnelle : du scepticisme parfois mêlé de condescendance de la part de collègues masculins. Au-delà de cela, je crois que les femmes ont une sensibilité différente des hommes, elles doutent généralement plus, sont plus sujettes à la culpabilité peut-être... Mais j'ai également rencontré des confrères fantastiques avec lesquels j'ai eu des échanges passionnants. Je crois beaucoup dans la valeur du temps et de l'expérience. Crédit photo : © Serge Chapuis

C'est pour ça que vous cherchez à respecter autant que possible la parité au sein de vos équipes ?

Je cherche surtout à être juste et à insuffler de l'enthousiasme dans mes équipes. Je crois beaucoup à l'intelligence collective et à l'esprit d'initiative. J'essaie de faire grandir mes collaborateurs, qu'ils soient hommes ou femmes !

Pourquoi est-il essentiel de se fixer des objectifs ?

Pour quelqu'un de créatif, se fixer des objectifs permet de se concentrer sur l'essentiel. Quand on est très curieux, le risque est de s'éparpiller et de se perdre.

Transformer votre nom en véritable marque en était un ?

Disons plutôt que c'est une conséquence du succès et un préalable au développement. Mais je ne me suis pas fixé cet objectif de manière aussi claire. Quand, avec David, nous avons repris l'affaire familiale, notre premier objectif était de la faire vivre, nous avions la responsabilité de ce que mon père avait construit. La réflexion autour de la marque est somme toute assez récente, elle vient avec la volonté de se développer.

Votre école de cuisine, Scook, à Valence, c'est une manière de redonner aux autres ce qu'a pu vous donner votre père lors de cet été de 1992 ?

Peut-être. J'ai créé cette école de cuisine parce que le partage est au coeur de mon métier. Quand on cuisine, on donne une part de soi à l'autre. L'éducation au goût est au coeur de mes préoccupations. J'ai eu la chance de naître dans une famille où manger était associé au plaisir, de goûter plein de saveurs différentes quand j'étais enfant. Je veux donner un peu de cela au plus grand nombre.

Quels conseils donneriez-vous aujourd'hui aux étudiants ?

De croire en leurs rêves !




Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.